Le village où je suis née et où je vis encore est entouré de belles et denses forêts noires. Là , vivent de nombreux loups, libres et sauvages. La nuit, on les entend hurler vers le ciel et ses étoiles.
D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours vu la silhouette d'un loup noir me suivre.
C’était toujours le même. On dirait qu'il m'avait choisi.
Quand j'étais enfant, je jouais avec lui. Je touchais sa fourrure dense en courant dans les bois, je nageais avec mes bras autour de son cou dans les eaux profondes du lac. Je me suis tant de fois échappée de la maison en secret pour aller rencontrer mon ami le loup noir.
Mais au bout d'un moment, mes parents se sont rendu compte de mes disparitions et m'ont vu avec le loup. Ils m'ont dit que c'était dangereux. Ils avaient l'air très effrayés et m'ont affirmé que j’allais mourir si je continuais à voir le loup noir.
Peu à peu, leurs craintes sont devenues les miennes et celui qui était mon ami est devenu mon ennemi. J'ai cessé d'aller dans la forêt et de nager dans le lac. Je suis resté au village avec les autres.
Mais comme je ne rendais plus visite à mon ami le loup noir, celui-ci a commencé à me suivre dans le village. Il n’était jamais très loin de moi.
J'ai voyagé pendant des années à l'autre bout du monde, mais où que j'aille, il était là . J'ai passé la plupart de ma vie à faire tous mes choix afin de m'éloigner du loup noir. S'il se trouvait dans une rue où je souhaitais aller, j'en prenais une autre. S'il se cachait derrière une personne que je souhaitais rencontrer, je m'en éloignais.
Mais un jour, malgré tous mes efforts, sans savoir comment ni pourquoi, je me suis retrouvée dans la forêt où nous jouions ensemble quand j'étais enfant. Je m'y suis perdue. Il y avait si longtemps que je n'avais plus exploré ces terres.
Là , au milieu des arbres touffus, j'ai senti le loup noir avant même de le voir. Il était dans mon dos. Je me suis retournée lentement pour lui faire face.
Il était là . Les dents en dehors et les poils dressés. Il semblait en colère.
Je ne l'avais jamais vu ainsi. J'ai ressenti de la peur en moi. Je savais que ce que mes parents m'avaient dit allait se produire : J'allais mourir, il allait me tuer.
Le loup noir s'est approché lentement de moi. Je n'arrêtais pas de regarder ses yeux furieux et sa mâchoire féroce. Nous faisions des cercles, gardant une distance entre nous qui à force de se mouvoir devenait de plus en plus petite.
Quand soudain, la peur en moi se transforma en force. Mes muscles se tendirent, l’évidence apparue, je n'étais pas prête à mourir. J'allais affronter le loup noir.
Alors que je le regardais intensément dans les yeux, il s'est passé quelque chose que je n'aurais pas pu prévoir. J’ai communié avec le loup noir.
Nous ne faisions plus qu'un dans le regard de l'autre. Dans ce vide noir où aucune distinction n'était possible entre lui et moi, Un chef Amérindien que je n'avais jamais rencontré auparavant m'est apparu.
Il m’a dit : "Mieux vaut devenir amie avec ton loup, mon amie, car tout Homme, dès sa naissance, en a un comme compagnon. Beaucoup le fuient, mais c'est une façon inutile de passer sa vie, car quoi que tu fasses, il te retrouvera toujours. C'est un cadeau de la vie, vie qui est toujours associée à la mort. Quand nous naissons, il n'y a qu'une seule certitude, celle que nous mourrons un jour. Le loup noir est là pour nous le rappeler. Il marche élégamment à côté de ceux qui s'en souviennent et savent apprécier la vie, acceptant le rappel de leur compagnon, celui que la vie peut à tout moment s'arrêter. Sois amie avec ton loup mon amie, c'est la seule façon de vivre en paix. Sois amie, ne le crains pas."
Après ces mots, le chef Amérindien disparut. J'ouvris les yeux, découvrant le loup devant moi. Soudain, le corps détendu, je décidais de rentrer chez moi et me retournais pour commencer à marcher.
Le loup noir pouvait m'attaquer par derrière, j'en étais consciente. Je n'avais aucune défense si ce n’est ma confiance. Mais au lieu de profiter de la situation, le loup noir se mit à marcher à mes côtés.
À partir de ce moment-là , le loup noir et moi traversons la vie ensemble. Nous escaladons des montagnes, parlons avec des étrangers, nageons dans des lacs profonds, dormons dans la forêt sous les arbres et écoutons les étoiles ensemble. Je ne sais pas combien de temps je vivrai, mais qui le sait après tout ?
Ce que je sais maintenant, c'est ce qu’est le goût de la vie et je souhaite à chacun de le savourer. Je serai là , je vous le promets, au moment où vous déciderez de faire face aux yeux plein de colère de votre loup noir délaissé. "Soyez amis, mon ami. Soyez amis, n'ayez pas peur." te dirais-je alors à l'oreille.
Puisses-tu vivre en paix avec ton compagnon le loup noir, mon ami, tu ne le regretteras pas je te le promets.
Écrit par Natacha Pincemaille-Neveu