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Le thé et moi



Lorsque la tempête en moi est trop forte, j'aime m'asseoir avec mon meilleur ami, le thé.


Il sait toujours exactement comment me parler.

Avec une tasse, il m'enlace pleinement.

Je suis assise devant ma première tasse de thé.


"Je t'aime, je suis ici avec toi, je resterai jusqu'à ce que la tempête soit passée, car elle passe toujours d'une manière ou d'une autre", me murmure-t-il.

"Je t'aime, je suis ici avec toi, je reste avec toi", telle est la formule magique qui me permet de m'asseoir avec la tempête.

Je sens son vent violent qui me brise de l'intérieur et sa pluie qui roule en torrents sur mes joues.


Quand aucun mot ne peut dompter la tempête, ni guérir la douleur, l'odeur délicate du thé, ses couleurs subtiles et sa douce saveur sont mes mots.

L'énergie qu'il dégage en moi me rappelle qu'il y a toujours en moi un vieil arbre solide qui restera grand et stable même au plein coeur de la tempête.

Avec l'aide de mon thé, je me serre tout contre cet arbre en buvant mon thé et en attendant que la tempête passe.

De là seulement, je peux apprécier la beauté de la tempête, sentir son vent et son eau me nettoyer, me frotter de l'intérieur, revitaliser mon être.

Je reste.

Je respire.

Je bois.


C'est ma deuxième tasse de thé. Je me souviens que je suis en vie, que je peux sentir une tempête. Le thé s'éveille en moi, son énergie tourbillonne à l'intérieur. Nous dansons une danse qui me permet de voir que la tempête à l'extérieur ne fait que refléter celle qui est en moi. Un danse qui me fait voir clairement que la cause de la tempête que je pointais jusqu'alors du doigt peu à peu disparaît pour ne laisser les que quatre autres doigts pointant dans une seule direction : moi.

Je peux enfin regarder ma propre agitation, ma propre fatigue, ma propre tempête intérieure.

Je reste.

Je respire.

Je bois.

Je bois ma troisième tasse.

Le goût est maintenant plus fort, comme moi.

Je ressens de la gratitude envers mon partenaire amoureux qui, alors que je lui demandais d'arrêter la tempête, m'a dirigé sur mon coussin de méditation.

Combien de fois nous tournons-nous vers l'extérieur pour réparer quelque chose qui ne peut être guéri que de l'intérieur ?

J'ai réalisé que cela faisait tellement longtemps que je ne m'étais pas assise pour écrire.


Le thé m'a alors demandé : "À quoi étais-tu si occupée ?"

Je lui ai répondu : "À construire des trucs".

"Cela te rend-il heureuse ?" me demanda le thé.

"Pas toujours", lui répondis-je.

"Et où cela t'amène-t-il ?", poursuivit-il.

"Loin de moi..."

"Reste près de moi alors", dit le thé avant de demander : "Comment te sens-tu ?"

"Calme", répondaiss-je.

"Le calme c'est bien", dit le thé, "seul le calme nous permet de voir la beauté d'une tempête".

"Je n'en ai jamais vu de là", dis-je, "quand la tempête arrive, je deviens généralement la tempête".

"Je vois", dit le thé, "les tempêtes sont fortes et il faut un peu d'entraînement pour rester enraciné en leur présence. Je suis là pour te le rappeler en en faisant l'expérience. Dans la nature, c'est la même chose pour les jeunes plantes. Elles deviennent la tempête lorsque la tempête passe, tandis que les grands arbres dansent avec leurs feuilles et leurs branches, mais rarement avec leurs racines. Les jeunes arbres apprennent des anciens par leurs racines, par le mycélium, c'est ce que je fais pour toi ici. Je te rappelle de t'enraciner en temps de tempête".

Je reste.

Je respire.

Je bois.

Je bois ma quatrième tasse de thé.

Le goût et la couleur du thé commencent à s'estomper.

Je commence à sentir que la rencontre avec le thé est sur le point de se terminer.

Maintenant que je me souviens de l'enracinement, je me sens à nouveau aligné avec moi-même et je vois la tempête passer avec clarté.

Le thé me demande :

"Que vois-tu ?"

"Que j'ai envie d'écrire ! J'ai oublié d'écrire ces derniers mois".

Le thé me sourit dans sa petite tasse :

"Pour une écrivaine ce doit être quelque chose d'oublier d'écrire. Est-ce que tu t'es au moins souvenue de respirer ?"

"Parfois oui, mais j'avais surtout l'impression d'être en train de courir, d'avoir le souffle court et de ne pas avoir le temps de faire une pause. Maintenant, je vois que je peux faire une pause, respirer et écrire. Je me sens mieux."

"Alors cette tempête était une amie, elle a secoué les couches de ton esprit qui ne te permettaient plus de voir ton essence, t'en privant au passage. Maintenant, nous pouvons remercier la tempête."

Je ressenti de la gratitude dans mon cœur et j'ai dit :

"Merci, tempête et merci, thé".


Et vous, quels sont les pratiques ou les outils que vous utilisez en cas de tempête intérieure?


(Histoire: Natacha)

(Illustration: Méj)

(Photo: Katrin)


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